WHEN YOU’RE STRANGE (2010) de Tom DiCillo
When you’re strange nous emmène au cœur de l’aventure des Doors, de son ascension fulgurante à sa chute vertigineuse et inéluctable. On y découvre un Jim Morrison double, à la fois avide de célébrité et effrayé par son public, un personnage trouble autant attiré par la sérénité de la poésie que par le scandale de la scène. Un sale gosse, aussi spontané que calculateur, qui finira par se brûler les ailes.
La puissance de ce documentaire réside dans sa simplicité. Sa structure minimaliste ne laisse place qu’aux archives. La narration discrète de Johnny Depp, qui apporte tout de même sa pointe d’humour, donne à apprécier toute la richesse des images. Certes, le procédé peut sembler facile et pourtant ce style épuré permet d’approcher au plus près les Doors. Au gré des interviews, des concerts, des pauses en coulisses, des moments intimes, une histoire fascinante se déroule sous nos yeux. On connaît déjà l’histoire mais là, de manière étrange, le documentaire réussit à nous rendre témoins des faits. Tout comme ses acolytes, on assiste fébriles à la naissance d’une idole et à sa déchéance. Jim, surnommé « Jimbo » dans ses mauvais jours, est un personnage magnétique, désinvolte, immature, parfois obscène, qui a sans cesse besoin d’être aimé. On éprouve une certaine empathie pour ceux qui ont tout accepté de lui : de Pam, sa compagne qu’il trompe sans vergogne, à ses musiciens éclipsés par le succès de l’icône, en passant par son producteur qui craque en silence. When you’re strange est aussi l’histoire d’un groupe en prise avec son époque. Alors que la guerre du Viêt-Nam fait rage, les chansons des Doors inspirent les slogans pacifistes de toute une génération. Mais la suite est moins glorieuse : un concert pathétique à Miami et des frasques toujours plus médiatiques transforment les Doors en bêtes de foire dont on attend chaque fois les nouveaux scandales. Acide, alcool, cocaïne…, Jim Morrison aura tout fait pour échapper au réel, jusqu’à la mort. Restent des chansons enivrantes, obsédantes, véritables hymnes à l’amour et à la liberté.
Bonjour Sab!
Je partage ton enthousiasme pour ce film, tout en voulant y apporter quelques bémols.
Certes la structure minimaliste est intéressante et le « récit » bien mené, mais l’ensemble manque parfois de richesse. Ainsi les débuts des Doors sont expédiés en quelques minutes pour se consacrer
sur le « coeur » de la fulugurante carrière du groupe que tout le monde connait très bien (grâce notamment au film d’Oliver Stone relativement fidèle.) Outre les iméges inédites du film tourné par
Jim lui-même, le simple connaisseur averti du groupe n’apprendra rien de nouveau.
De plus il manque aussi je trouve une plus forte contextualisation de l’émergence du groupe avec les changements culturels de l’époque. Surtout que les Doors peuvent à la fois être vus comme une
locomotive et comme une résultante du mouvement hippie. Cette remise en contexte était la grande force du magnifique « No Direction Home » de Martin Scorcese. Mais il durait près de 4 heures, et se
concentrait sur 4 années d’un seul chanteur. D’où cette sensation de rester quelque peu sur sa faim à la sortie de « When you’re strange ».
On peut regretter également que le côté purement musical soit plus ou moins ignoré, alors qu’au-delà de tout le « cirque » qui entoure le groupe et son leader, ça reste avant tout d’incroyables
musiciens, qui, associés à un poète, ont composé certaines des chansons les plus fortes du 20ème siècle.
« When you’re strange » reste toutefois une oeuvre à voir absolument, en serait-ce que pour le magnétisme incroyable de Morrisson et la plongée au coeur de concerts fiévreux.
This is the end…