EXPO : HERVÉ GUIBERT, PHOTOGRAPHE à la Maison Européenne de la Photographie, Paris (2011)
Écrivain, journaliste et photographe, Hervé Guibert est mort du sida le 27 décembre 1991, à 36 ans. Passionné de cinéma, il avait reçu, en 1984, le César du meilleur scénario pour L’homme blessé, co-écrit avec Patrice Chéreau. Après cela, sa vie a été jalonnée de rendez-vous manqués avec le septième art. Un seul et unique film émergera finalement de ses ambitions de cinéaste, La pudeur ou l’impudeur, sorte de journal vidéo de sa propre agonie. 20 ans après sa mort, la MEP lui rend hommage avec, pour la première fois, une grande rétrospective.
L’exposition photo
230 clichés en noir et blanc permettent de découvrir l’univers sombre et magnétique d’Hervé Guibert, photographe. L’homme se plait à immortaliser les visages qui l’entourent. D’abord, ses tantes Louise et Suzanne, dont il capture sans artifices la vieillesse, la douleur crue mais aussi la sérénité. Il y a également les photos intimes de ses amants, dont il dissimule parfois les visages par des jeux de lumière et d’obscurité. Ces clichés s’approchent au plus près des corps pour toujours plus s’éloigner de leur identité. Puis, on découvre aussi le bureau de l’écrivain, peuplé d’objets et de sources d’inspiration, dont la récurrence des photos semble un ultime symbole d’éternité. Apparaît également une série de portraits de célébrités amies : Isabelle Adjani, Patrice Chéreau, Michel Foucault, Hans Georg Berger… Mais là où Hervé Guibert est le meilleur, c’est dans ses autoportraits furtifs où il saisit l’étrangeté de son regard. Tantôt hallucinée, tantôt grave, sa gueule d’ange semble interroger la mort.
Le film : La pudeur ou l’impudeur
Entre les séries de photos, il faut prendre une pause pour voir le film. A la fois terrifiant et captivant, La pudeur ou l’impudeur nous fait entrer de plain-pied dans le quotidien d’Hervé Guibert, réalisateur malade. L’homme de 36 ans affiche le corps chétif et la force d’un homme de 80 ans. C’est entre 1990 et 1991 que Guibert se filme en train de mourir, sans la moindre complaisance. Le film nous renvoie à une époque où le sida rongeait le corps, image que l’on avait presque oubliée depuis les dernières générations de trithérapie et la sous-médiatisation des années 2000. Cette apparition terrible, témoin d’une vie insouciante, est comme un étrange écho aux photographies ténébreuses des débuts. Hervé Guibert évoque ses doutes sur la nécessité de continuer à vivre, sa solitude et son impuissance face à un corps qui peu à peu disparaît. Une ambiance macabre plane sur cette exposition. Pourtant, on retiendra de tout cela, une phrase. Celle de sa tante Suzanne, impotente sur son lit d’hôpital, mais demandant un seul cadeau pour ses 95 ans : « Vivre encore un tout petit peu ».
Exposition HERVÉ GUIBERT, PHOTOGRAPHE
Du 9 février au 10 avril 2011
http://www.mep-fr.org/expo_1.htm