LE MOINE de Dominik Moll (2011)
Espagne, XVIIème siècle. Un moine déplace les foules à coup de prêches exaltés. Tout le monde loue les talents du Frère Ambrosio dont l’extrême dévotion suscite l’admiration. Intransigeant vis-à-vis du pêché, l’homme se croit au dessus de toute tentation. Mais l’arrivée d’un nouveau disciple au monastère va troubler la quiétude du prédicateur.
UN FILM ÉTRANGE ET FASCINANT
Depuis les troublants Harry, un ami qui vous veut du bien (2000) et Lemming (2005), Dominik Moll s’était fait plutôt discret. Pourtant, il avait su installer un genre : le thriller à la française, dont personne n’a réellement su prendre la relève après. Le cinéaste revient donc après six ans d’absence avec Le moine, l’adaptation du roman anglais de Matthew
Gregory Lewis, publié en 1796. Fidèle à son étrangeté, Dominik Moll convoque le Bien et le Mal pour une danse macabre et perverse. Pour accomplir son dessein, il joue élégamment avec les ombres et la lumière, donnant à son film des accents expressionnistes. Le visage d’Ambrosio, qui est toujours à demi éclairé, annonce déjà la dualité du personnage. Par la lumière et l’obscurité, Dominik Moll oppose deux mondes : celui du monastère où les confessionnaux et les chambres monacales sont envahis d’une atmosphère ténébreuse, tandis que hors les murs, les paysages sont d’une luminosité aveuglante comme si la vie n’était qu’à l’extérieur. Cela se confirme avec la naissance d’une histoire d’amour innocente et pure racontée en parallèle des aventures d’Ambrosio. On remarque déjà les contradictions du milieu écclésiaste : la sévérité d’Ambrosio et de l’Abbesse (Géraldine Chaplin) face aux incartades d’une jeune dévote, suggère l’obscurantisme religieux. Quand on voit avec quelle cruauté l’Abesse condamne à mort une nonne enceinte, on se demande de quel côté est le mal. C’est l’arrivée de Valério qui va encore plus troubler le jeu. Avec son mystérieux masque, derrière lequel se cache un visage défiguré, le garçon est l’incarnation de la mascarade. Le film multiplie les imageries symboliques pour nous aider à voir ce qui est dissimulé derrière le fanatisme. Dans ce contexte mystique, les rêves ont valeur de prédiction. Ceux que fait Ambrosio rappellent étrangement Le Narcisse noir de Michael Powell et Emeric Pressburger. Dans le film de 1947, l’intrigue soumettait des bonnes sœurs à la tentation jusqu’à pousser au crime. Le rêve d’Ambrosio, qui se situe devant le monastère, reprend le début de la scène où Deborah Kerr manque d’être poussée dans un ravin par une sœur démoniaque. L’une avait sombré dans les ténèbres, l’autre avait su résister jusqu’au bout. Dans cette version moins violente, Ambrosio tente d’approcher une femme en rouge, de dos, sans pouvoir l’atteindre. Par cette chimère, le Frère se confronte à la même lutte intérieure que personnifiaient les sœurs dans Le Narcisse Noir. Mais ici, Ambrosio s’expose à toutes les déviances qui peuvent toucher les hommes. Sa foi peut-elle vraiment l’aider à ne pas sombrer ? Avec sa trajectoire œdipienne, le film assène une morale implacable : l’homme est seul artisan de son propre malheur. Étrange de passer par la ferveur religieuse pour arriver à une conclusion aussi cartésienne. Le Moine est sans nul doute un film singulier mais fascinant.
Titre : Le moine / Pays : France/ Durée : 1h41 / Distribué par Diaphana Distribution / Sortie le 13 Juillet
2011
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