ICI ON NOIE LES ALGÉRIENS de Yasmina Adi (2011)
Le 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens manifestent à Paris, à l’appel du FLN, contre le couvre-feu instauré par Maurice Papon. A l’époque, le préfet de police espère pouvoir étouffer dans l’œuf toute velléité d’indépendance chez les maghrébins de France. Mais portés par un même espoir de changement, ici et dans l’Algérie en guerre, des hommes et des femmes bravent l’interdiction pour se rassembler pacifiquement. La suite, on ne la connaît que partiellement : des manifestants sont battus à mort et d’autres sont jetés dans la Seine par la police. Le bilan officiel fait état de 2 morts et 136 blessés. Mais les jours qui suivent, le nombre de personnes disparues s’allonge à vue d’œil…
LE MASSACRE DU 17 OCTOBRE 1961, ENTRE CENSURE ET OUBLI
Le point fort du documentaire est l’ensemble des archives sonores, très nombreuses, donnant un éclairage sur le traitement médiatique des évènements. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le sujet avait bel et bien été couvert par des journalistes. Seulement, entre les titres relayant docilement les déclarations des autorités et le flou entourant la politique répressive de la police, rien n’a jamais permis de confirmer le nombre exact des victimes du massacre. A travers les témoignages de ceux qui ont survécu à cette nuit sanglante et le regard des proches des disparus, le film de Yasmina Adi permet de reconstituer un puzzle historique. Cinquante ans après les faits, le souvenir semble toujours aussi douloureux. C’est sans doute la raison pour laquelle certains récits se font parfois confus et troublés. Mais la terreur est bien là, dans les yeux de ceux qui attendent désespérément une reconnaissance des fautes de l’Etat face aux évènements. Après le 17 octobre, le pire était à venir : des rafles en cascade dans les rues parisiennes sans que personne n’y trouve rien à redire. Seuls quelques gauchistes et syndicalistes jugent bons de dénoncer la pratique. Alors que les Algériens, parqués et torturés, attendent la libération ou la mort, des médecins réquisitionnés pour les campements alertent leurs proches sur ce qu’ils ont vu… Mais personne ne les croira. Et c’est cela qu’il faudra surtout retenir du film : que chaque grande tragédie de l’Histoire a connu son lot de dénégation, comme si l’être humain ne pouvait réellement admettre sa part de cruauté.
Ici on noie les Algériens / Pays : France / Durée : 1h30 / Distribué par Shellac Distribution /Sortie le 19 Octobre 2011