MARTHA MARCY MAY MARLENE de Sean Durkin (2012)

Tout commence par une fugue au petit matin. Martha quitte à toute hâte une étrange ferme communautaire. Dans ce lieu en pleine nature, situé dans l’état de New-York, hommes et femmes vivent un amour fusionnel, prônant le retour à la terre et la purification du corps. Mais dans la cavale de la jeune fille, on décèle déjà les indices d’une philosophie obscure et une harmonie factice. Au téléphone, sa voix chevrotante confirme le malaise : Martha vient de s’enfuir d’une secte.

Pour son premier long-métrage, Sean Durkin, jeune réalisateur de 29 ans,  a été récompensé par le prix de la mise en scène à Sundance l’année dernière. Certes, l’œuvre est marquée par sa réalisation aérienne et maîtrisée, mais surtout, il s’en dégage une véritable complicité artistique entre le cinéaste et son actrice. Elizabeth Olsen, discrète cadette des médiatiques Mary-Kate et Ashley, survole ce drame avec un mélange d’indifférence et de gravité. La lumière chaleureuse de Durkin irradie le visage de cette jeune femme qui porte à elle seule toute la puissance du récit. Point de départ du film, l’échappée sauvage de Martha est loin d’être une délivrance. Réfugiée dans la maison de campagne de sa sœur, l’héroïne ne trouve pas sa place, acculée par la vision d’une vie conformiste et l’opulence matérielle. L’agacement que déclenche chez elle les tics d’une famille embourgeoisée explique aisément sa drôle de retraite spirituelle. Chaque instant passé dans la villa déclenche chez la fugueuse un parallèle avec son passé sectaire. On y découvre une proie vulnérable car troublée par sa quête identitaire. Le film est le reflet d’un personnage double, tiraillé entre un modèle social standard et l’illusion d’une idéologie libertaire. Cependant, malgré ce mouvement d’un milieu à un autre, d’une pensée à une autre, Martha, rebaptisée, Marcy May par son gourou, et répondant au nom de Marlène au téléphone, reste une brebis égarée interrogeant le sens de son existence. A travers des choix de vie extrêmes, le film pointe différentes formes d’aliénation. D’un côté, l’obsession de la réussite sociale et financière, de l’autre, le pouvoir du groupe neutralisant toute réflexion individuelle.

Titre VO : Martha Marcy May Marlene / Pays : USA/ Durée : 1h41/ Distribué par Twentieth Century Fox / Sortie le 29 Février 2012