OSLO 31 AOUT de Joachim Trier (2012)

 

Après avoir passé la nuit avec une jeune femme, un toxicomane en rémission tente vainement de mettre fin à ses jours. Cet acte manqué est le début d’une mise au point douloureuse sur sa vie et son rapport aux autres.

 

CHRONIQUE D’UN BONHEUR INSAISISSABLE DANS UNE LIBRE ADAPTATION DU FEU FOLLET

 

A l’origine, il y a l’histoire de Jacques Rigaut, écrivain dadaïste des années 20, accro aux drogues et peu attaché à une existence pleine d’insatisfactions. Sa mort, il la décida à 31 ans en se tirant une balle dans le coeur. Son ami Pierre Drieu La Rochelle en avait fait le héros posthume de son livre, Le feu follet, dans lequel il partageait le même mal-être. Comme son comparse, Drieu La Rochelle se suicida. Ce fut au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après avoir inondé la presse d’écrits collaborationnistes. Quant au spleen de Rigaut, il refit surface dans les années 60, à la faveur du film de Louis Malle qui ne cachait pas ses propres tourments. Son adaptation, quasi-fidèle au roman, offrit un visage sensuel et terrifiant à un pessimisme existentiel. Maurice Ronet y jouait un ex-alcoolique, revenu de tout, sexuellement impuissant et vaguement politisé (des amitiés avec des membres de l’OAS). On y décelait une profonde inadaptation au monde adulte. Après l’ivresse de la jeunesse, survenait la gueule de bois du temps qui passe inexorablement.

Et voilà que ce troublant récit refait surface aujourd’hui. Le cadre a changé : l’urbanisme norvégien d’Oslo a remplacé les décors pesants de Versailles. Le citadin en baskets a pris la relève du dandy magnifique. Pourtant Joachim Trier, réalisateur de Nouvelle donne, véhicule la même poésie en insufflant un mouvement à cette errance introspective. Anders, son personnage (Anders Danielsen Lie) joue les équilibristes quand il marche sur les traces de Maurice Ronet. La trentaine pèse de tout son poids, rappelant sans cesse une jeunesse gâchée à toute vitesse. L’hésitation entre vie et mort est là, suspendue aux quelques liens affectifs qu’Anders tente de renouer. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Dans chaque conversation, tout ne tient qu’à un fil, un mot, une considération qui le fera basculer d’un côté ou d’un autre. Le plus terrible est l’innocence avec laquelle ses proches assènent les coups sans comprendre l’enjeu. Chaque fois qu’il s’apprête à tomber, on aimerait le saisir au vol. Mais définitivement il nous échappe, comme ces nuées vaporeuses dans la nuit crachées par un extincteur fou. On aimerait tellement lui donner cette raison de vivre après laquelle il court désespérément. Et soudain, nous sommes saisis des mêmes doutes, ceux qui interrogent notre place sur l’échelle sociale, nos réussites et notre accomplissement personnel. A travers les décennies, ce sont toujours les mêmes angoisses qui nous gouvernent. 31 août, date fatidique d’une fin d’été, des festivités d’un autre âge et d’un face-à-face avec la réalité.  

Titre VO : Oslo 31 August/ Pays : Norvège/ Durée : 1h36 / Distribué par Memento Films Distribution/ Sortie le 29 Février 2012