VIVA RIVA de Djo Tunda Wa Munga (2012)
On ne parle pas assez du cinéma africain ! Pourquoi « cinéma africain », d’ailleurs ? Comme s’il s’agissait d’une entité homogène et indivisible . Pourtant, chaque pays a sa culture, son histoire et son mode de vie. Djo Tunda Wa Munga, par exemple, ne raconte pas l’Afrique mais La République Démocratique du Congo. Dans cet état politiquement instable, à l’image de la réélection contestée de Joseph Kabila fin 2011, la population survit plus qu’elle ne vit. Le cinéaste congolais situe son film de gangster dans un Kinshasa en pleine pénurie de carburant. Capitale malade de sa pauvreté, gangrenée par la corruption, c’est une ville sans perspectives dont chacun tente de s’extraire. Mais il y a aussi le Kinshasa nocturne et fiévreux, où les jeunes rêvent de devenir les princes de la ville. Riva est l’un de ceux-là. Il a quitté sa famille et ses terres il y a dix ans pour faire des affaires en Angola. Là-bas, il s’est formé aux trafics en tout genre. De retour au pays avec ses dollars et une cargaison d’essence volée, il s’imagine en nouveau caïd. Pendant qu’il drague la femme d’un gros bonnet, Riva ne se doute pas que son ancien patron est à ses trousses…
UN FIM CHOC QUESTIONNANT L’AVENIR DU PEUPLE CONGOLAIS
Djo Tunda Wa Munga filme dans un rythme haletant une métropole urbaine bouillonnante. Dans les rues, la misère côtoie le vice et le cinéaste capte intensément cette atmosphère malsaine. Mais derrière les scènes d’action et l’érotisme, le film fait un constat accablant de la RDC aujourd’hui. On découvre des rapports humains ultra-violents, le sexe utilisé comme arme de pouvoir et la suprématie de l’argent. Un homme en costume blanc poursuit Riva tel un serpent et sème la mort. Soudain, l’immoralité qui ronge la ville semble se matérialiser. En ces lieux, la place des femmes est terrible. Si elles ne se tuent pas au travail pour quelques billets, il ne leur reste que la prostitution ou l’armée comme option. Peu importe la voie choisie, elles resteront des objets aux yeux des hommes. Ainsi, verra t-on un hôtelier offrir sa femme à un client pour la nuit. Le sexe s’affiche partout alors même que chacun vit dans ses frustrations : le caïd qui n’arrive plus à satisfaire sa belle, le vieil ami qui se sent brimé par sa vie de famille, la militaire méprisée pour son homosexualité… Le film navigue sans cesse entre possession et dépossession de moyens, désir et répulsion. Ce ne sont pas les images de bidonvilles qui font de Kinshasa un vaste ghetto, mais la violence d’une génération prête à tuer père et mère pour quelques dollars. Alors que le pays est immobilisé par l’absence de carburant, la capitale est au bord de l’explosion. En suivant le parcours de Riva, on assiste au délitement des relations humaines. Pourri par l’argent, le peuple en tant que communauté n’existe plus. L’individualité prend le dessus, condamnant tout changement dans ce simulacre de république. Bien sûr, le bain de sang est prévisible. Qui pourra réellement se sortir d’un tel carnage moral ? Même si, par moment, le film est lourd, il reflète une réalité. Celle d’un état en souffrance où les enfants, témoins naïfs d’un spectacle de désolation, n’envisagent qu’un seul avenir : devenir des gangsters.
Titre VO : Viva Riva !/ Pays : Congo-France-Belgique/ Durée : 1h38 / Distribué par Happiness Distribution/Interdit aux -12 ans/ Sortie le 18 Avril 2012
j’ai bien envie de le voir, c’est le 2e avis poisitif que je lis en plus du bon bouche à oreille.
J’aimerais beaucoup le voir, mais il ne passe pas à Nantes pour l’instant…