TYRANNOSAUR de Paddy Considine (2012)

Joseph est un vieux chien enragé. Veuf, misérable, il traîne sa haine dans les bars de Glasgow. D’ailleurs, autour de lui, la violence est partout : dans son quartier où un voisin terrorise un enfant à l’aide d’un pitbull ou dans une maison bourgeoise où un mari tabasse sa femme à l’envi. Joseph, lui, s’en prend au monde entier. Un jour, dans son hostile croisade, il rencontre Hannah, une bénévole associative. Sa gentillesse et sa dévotion religieuse l’apaisent peu à peu.  Cependant, malgré une apparente sérénité, la jeune femme cache de lourds secrets…

  

UN VOYAGE AUX CONFINS DE LA VIOLENCE ET DE LA FRAGILITÉ

  

Avant Tyrannosaur, Paddy Considine a été acteur, notamment chez Michael Winterbottom (24 hour party people), Jim Sheridan (In America), Ron Howard (De l’ombre à la lumière) ou encore  Paul Greengrass (La Vengeance dans la peau). Mais c’est en tant que réalisateur qu’il a enthousiasmé les festivals. En 2007, entre deux tournages, il écrit Dog altogether, un court-métrage choc sur un homme violent, raciste et malheureux. Portée par ses deux acteurs, Peter Mullan et Olivia Colman, cette première réalisation a remporté le BAFTA du meilleur court-métrage et un Lion d’argent à Venise. C’est cet accueil chaleureux qui a poussé Paddy Considine à en faire un long-métrage. Et voilà Tyrannosaur, film sombre au réalisme brutal. Peter Mullan y reprend le rôle de Joseph, personnage irascible et autodestructeur. L’homme affiche sa haine de l’autre en bandoulière, suscitant notre mépris à chaque plan. Hannah, elle,  préfère lui opposer sa croyance en dieu et sa foi en l’être humain. La voie du film semble déjà tracée : la rédemption d’un enragé grâce à la compassion d’une femme pieuse. Mais ce serait trop simple. Evidemment, chacun va changer au contact de l’autre, se raccrocher à l’autre pour ne pas sombrer. Pourtant, l’issue du film demeura inattendue. Car le réalisateur décortique toutes les formes de violence, de la plus exacerbée chez Joseph à la plus enfouie chez Hannah. A chacun de la dominer et de la dépasser. C’est en substance ce que dit ce film à la fois monstrueux et fragile. Plutôt qu’un jugement sur les comportements humains, ce drame sans concession renvoie les hommes à leurs propres démons. Paddy Considine a puisé dans ses souvenirs familiaux pour écrire Tyrannosaur, titre bizarre faisant référence au poids d’une femme forte (sa mère) et à la sauvagerie des hommes. Peter Mullan, acteur immense et réalisateur de Magdalene sisters et Neds, offre un jeu tout en puissance. La caméra le filme au plus près, captant les rides de l’expérience et les errances du regard. Quant à Olivia Colman, elle illumine le film de sa sensibilité. Son personnage est une lueur d’espoir dans l’obscurité. 


Titre VO : Tyrannosaur / Pays : UK/ Durée : 1h31/ Distribué par Distrib Films/ Sortie le 25 Avril 2012