LE GRAND SOIR de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2012)

SORTIE LE 6 JUIN 

Ils ont trimballé leur humour corrosif des studios de Groland (Canal+) aux plateaux de cinéma. En 4 films (Altra, Avida, Louise-Michel, Mammuth), ils ont imposé leur univers entre comédie allumée et coup de gueule social. Benoît Delépine et Gustave Kervern sont de retour avec un nouvel ovni plus foutraque que jamais. Présenté cette année à Cannes dans la section « Un certain regard », Le grand soir est une belle fable sur la marginalité, l’insoumission et l’incapacité du peuple à se révolter. Le film oppose deux frères, Not (Benoît Poelvoorde), un punk à chien solitaire, et Jean-Pierre (Albert Dupontel), commercial dans une enseigne de matelas. Les deux hommes ne s’entendent guerre tant leur conception de la vie est différente. Not, ne travaille pas, préférant vivre dans la rue grâce au vol et à la mendicité. Jean-Pierre, lui, est « dans la norme » comme il se plait à le clamer haut et fort, méprisant ceux qui marchent en dehors des clous. Leurs parents tiennent une pataterie. Mais le père affiche les séquelles d’un AVC et la mère (Brigitte Fontaine) n’a visiblement plus toute sa tête. Autant dire que la petite famille ne tourne pas bien rond. Et c’est dans une zone commerciale que chacun va exprimer ses névroses. Dans ce lieu glauque qui accueille en masse des consommateurs compulsifs, Not se plait à perturber l’ordre établi. Il suffirait d’un rien pour que Jean-Pierre bascule du côté de l’anti-conformisme. Cela tombe bien, les affaires vont mal et le craquage n’est pas loin.

Le film est maladroit, part dans tous les sens et pourtant il séduit. Cette histoire de deux frangins en rage contre le monde est drôle et inattendue. Réunis à l’écran pour la première fois, Poelvoorde et Dupontel, interprètent des personnages aussi tendres que révoltés. On aimerait faire la révolution avec eux, accompagnés comme ils le sont par la musique rugissante des Wampas. Mais il ne faut pas rêver, l’insurrection n’est pas pour demain. La France a beau râler, elle retourne dès le jour suivant faire ses courses trop chères sans broncher. La mode de l’indignation n’est qu’un leurre. Le peuple est définitivement soumis aux règles, aux lois du marché, à la mascarade sociale. C’est pour cela que les deux rebelles tournent en rond sur le parking d’un supermarché, sans jamais trouver de compagnons d’anarchie. « We are not dead » conclut le film comme un ultime cri de désespoir. Alors en attendant le grand soir, rions un peu.

Titre :  Le Grand Soir/ Pays : France/ Durée : 1h32/ Distribué par Ad Vitam/ Sortie le 6 Juin 2012