HOLY MOTORS de Leos Carax (2012)
11 x Denis Lavant. L’acteur fétiche de Leos Carax ne joue pas moins de 11 rôles dans ce qu’on peut déjà appeler l’œuvre d’une résurrection cinématographique. En 28 ans le réalisateur a peu tourné : 6 films dont 5 avec son alter ego : Boy meets girl (1984), Mauvais sang (1986), Les amants du pont neuf (1991) et avant Holy Motors, Mr Merde, fragment d’un film collectif, Tokyo (2008), co-signé avec Michel Gondry et Bong Joon-ho. Chaque fois des films sombres, torturés, surréalistes, où Denis Lavant se livre à des performances terrifiantes et hallucinées. Seule infidélité à son double, Pola X, une fable cruelle, tirée de Pierre ou les ambiguïtés d’Herman Melville et dont l’apprêté a définitivement enfermé Carax dans un registre de cinéaste hermétique. Mais qu’il fascine ou qu’il énerve, l’artiste ne laissera jamais indifférent. La preuve avec Holy Motors, un voyage initiatique au cœur de son univers à l’étrangeté cinéphilique. Au commencement, il y a le songe d’un réalisateur : Leos Carax se met en scène et nous entraîne dans les méandres de son cinéma. La porte de sa chambre s’ouvre sur une salle obscure et nous voilà face à des spectateurs hypnotisés. Cette scène en miroir, où le public se retrouve nez à nez avec lui-même, annonce déjà ce que sera Holy Motors : une réflexion sur le 7ème art, un questionnement sur le rapport entre un cinéaste et son public. Fil rouge de son périple, une limousine blanche, comme un écho à celle de Cosmopolis. Mais si chez David Cronenberg, elle était une machine égotique illustrant la puissance capitaliste, ici, sa présence est bienveillante. A l’intérieur, Oscar (Denis Lavant) prépare ses « rendez-vous ». A chaque arrêt, Leos Carax visite un genre, de la science-fiction à la romance, du drame à la comédie musicale, dans une superbe fluidité de mouvements. Oscar, lui, endosse tous les rôles, aidant de mystérieux commanditaires à vivre des instants de cinéma. Mais où sont les caméras ? Où s’arrête le jeu et où commence la réalité ? Holy Motors est porté de bout en bout par l’illusion. L’acteur se confond avec son personnage, son réalisateur, son scénario. Et dans cette loge mouvante qui sert d’entracte entre le réel et la fiction, on admire l’investissement total d’un acteur et l’amour d’un cinéaste pour son art. Sur sa route, l’homme croise des femmes (Edith Scob (son chauffeur), Eva Mendes, Kylie Minogue) qui peinent à sonder le personnage comme s’il n’était jamais lui-même. C’est sans doute ici la recette de la création : se perdre dans les rôles, gommer les frontières entre rêves et réalité, pour offrir aux cinéphiles un film à la fois enivrant et déroutant.
Titre : Holy Motors/ Pays : France/ Durée : 1h55/ Distribué par Les Films du Losange/ Sortie le 4 Juillet 2012
Ce film m’effraie un peu mais je le verrai sans doute.
Il faut le voir pour découvrir autre chose que les sempiternels reboots et remakes de l’été…
Pavé dans la mare : et si c’était nous, spectateurs qui inventions la signification des ovnis de ce genre ? Et s’il fallait aimer ce genre de films pour s’autoproclamer cinéphile ? Alors je n’en suis plus. Ma critique se fait moins passionnée 😉
Oui, mais justement, il y a sans doute de multiples interprétations du film. Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’un seul sens à lui donner. Et j’ai aimé pouvoir m’y perdre, y trouver quelques hommages par-ci par là et me sentir libre de l’appréhender comme je voulais. Bien sûr toutes les scènes ne m’ont pas plu (Mr Merde et Eva Mendes par exemple) mais cela reste un objet de cinéma à découvrir. La cinéphilie c’est une passion pas un « titre ». On peut être cinéphile sans apprécier Carax et on a le droit de ne pas tous aimer les mêmes films. C’est bien dommage de cloisonner la cinéma de cette manière là…
Erf, moi j’aime bien avoir un fil rouge à suivre.
Je m’interroge, pourquoi ce sont toujours ces « objets » qui remportent les palmes ?
Hum hum, Holy Motors n’a pas eu de prix à Cannes (à part celui des lycéens). C’est Amour de Haneke qui a eu la Palme…
Je pense à Tree of Life, que je met dans le même panier
Un film magnifique, une rêverie poétique, énergique qui multiplient les coups de force. A voir !