LAURENCE ANYWAYS de Xavier Dolan (2012)

Hystérique, bavard, maniéré, démonstratif. En quelques minutes, il est facile d’attaquer Laurence Anyways et le style pompeux de Xavier Dolan. Facile de s’agacer de sa prétention filmique et de sa jeunesse arrogante (23 ans). Devenu en trois films le chouchou de Cannes (J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires étaient déjà en sélection parallèle), le réalisateur québécois a cultivé l’image d’un esthète obsessionnel. Et pourtant… quels films ! Chaque fois, il a réussi à charmer son monde par la délicatesse de son propos et le lyrisme de sa mise en scène. Son premier long clamait rageusement le mépris d’un fils pour sa mère dans un journal intime non dénué d’humour. Dans Les amours imaginaires, il convoquait Wong Kar-wai et Truffaut dans un triangle amoureux illusoire. Au réalisateur hongkongais, il empruntait les déambulations urbaines chaloupées d’In the mood for love et pour le cinéaste de la Nouvelle Vague, il rejouait avec délectation l’ambiguïté de Jules et Jim. Cette fois, Xavier Dolan revient avec une fresque ambitieuse sur un amour inconditionnel. On avait parlé de Louis Garrel pour le rôle, mais c’est finalement Melvil Poupaud qui endosse le costume de Laurence, homme qui veut devenir femme, femme qui s’est toujours senti étranger dans son corps d’homme. Au début, avec Fred (Suzanne Clément), il forme un couple normal, grisé par l’euphorie des années 80. Elle est exubérante, lui l’est un peu moins, mais ils vont bien ensemble. Et puis voilà qu’à 35 ans, Laurence décide que le mensonge a assez duré. Vient l’annonce à sa compagne, à ses parents, à ses amis. Mais le film n’est pas celui d’une transition, plutôt le récit d’un amour qui transcende les genres. Dolan filme un long périple sur l’acceptation de soi avec l’élégance d’un poète. Le choix de Fred et Laurence, prénoms masculins/féminins et interchangeables, sonne comme le reflet d’une homogénéité spirituelle et physique. Autour du couple, l’intolérance, le mépris, la compassion. Quelques specimen aussi : une sœur acariâtre (Mona Chokri), une mère désabusée (Nathalie Baye) et un père monomaniaque. Dolan emprunte mille et une routes, fragmente le temps pour mieux figer l’amour. L’œuvre est flamboyante, visuellement maîtrisée, narrativement inventive. Et on aime ces dialogues si percutants, si vifs, pour conter 10 ans d’un amour incompressible et déchirant. 

Titre : Laurence Anyways/ Pays : Canada-Quebec/ Durée : 2h39 Distribué par MK2 Diffusion/ Sortie le 18 Juillet 2012