COMPLIANCE de Craig Zobel (2012)

Jusqu’où peut mener notre stricte obéissance aux ordres ? Savons-nous faire la part des choses entre le devoir et le bon sens ? Ce sont quelques unes des questions posées par le film de Craig Zobel. L’histoire prend sa source dans un troublant fait divers ayant eu lieu en 2004 aux Etats-Unis : une jeune employée de fast food se voit accusée de vol par un appel téléphonique. Au bout du fil, un policier demande à la patronne de l’établissement d’effectuer une série de vérifications très poussées en attendant l’arrivée d’une patrouille. Mais bientôt la situation dérape…

PETITE LEÇON D’OBÉISSANCE AVEUGLE…

Craig Zobel, qui signe ici son second long métrage après Great world of sound, réussit à créer une atmosphère tendue et asphyxiante en opérant un habile glissement de la normalité à une situation profondément dérangeante. Il part de scènes du quotidien, de moments anodins dans la vie d’un petit fast-food de l’Ohio, installant un cadre de confiance pour mieux le faire exploser. On y voit le travail en cuisine, l’attente des clients et l’ennui qui précède les moments de rushs. C’est là que les personnages se dévoilent : Sandra, la patronne qui veut toujours bien faire mais manque d’autorité ; Becky la caissière dilettante et volage ; Kevin, l’employé sympa mais indiscipliné… C’est alors qu’un appel téléphonique vient perturber leur routine et qu’une succession de circonstances (employés débordés, incident aux stocks, attente d’un client mystère) ne permettent pas d’agir comme il le faudrait. Ainsi, les petits travers de chacun se trouvent amplifiés jusqu’à provoquer un drame. A l’exemple de Sandra qui, en croyant faire son devoir, viole au contraire une bonne dizaine de règles édictées par le code du travail. Mais ce que relève surtout Craig Zobel, c’est l’obéissance dans ce qu’elle a de plus abject. Très tôt à nos yeux, chaque situation nous semble totalement inappropriée. Et il suffirait d’un simple NON pour tout arrêter. Mais les personnages ne se posent jamais de question et se soumettent aux ordres sans interroger, ne serait-ce qu’une seule fois, l’autorité qui gouverne leurs actes. A l’autre bout du combiné, une voix exerce son petit pouvoir, manipulant à loisir jusqu’à l’humiliation.

Le cinéaste filme ce fast-food comme un bocal soumis à expérimentation, une sorte d’étude sociologique visant à pousser les êtres humains dans leurs retranchements et tester leurs limites morales. On s’agace, on bouillonne dans son siège tant l’histoire prend une tournure stupéfiante. Mais surtout, on ne peut s’empêcher de penser au facteur culturel qui entoure ce genre de faits divers. Bien sûr, il est difficile de préjuger de nos propres réactions face à une telle situation. Cependant, on ne peut nier la culture de l’obéissance qui régit la mentalité américaine. Est-ce que cela pourrait arriver en France ? Pas sûr, tant notre pays s’est illustré dans son goût de la contestation et de la contre-argumentation systématique. D’ailleurs, dans son épilogue, Craig Zobel renvoie les personnages, non sans un certain cynisme, à une mécanique typiquement américaine : judiciarisation et médiatisation-spectacle comme parcours logique d’une affaire qui l’est beaucoup moins.

Titre : Compliance/ Pays : USA/ Durée : 1h30/ Distribué par Pretty Pictures/ Interdit aux moins de 12 ans/Sortie le 26 Septembre 2012