ANTIVIRAL, un premier film malade signé Brandon Cronenberg

ANTIVIRAL affiche

Difficile de faire du cinéma sans laisser planer l’ombre du père. Brandon Cronenberg (fils de David) partait mal, écrasé par ce nom cinématographiquement célèbre et synonyme d’exigence. Mais le jeune homme, plutôt bien inspiré, a su tirer parti du lourd héritage paternel dans un premier film exorcisant ses obsessions. A l’origine de son scénario, il y a l’étudiant en cinéma qui, fiévreux et alité, s’imaginait littéralement possédé par son virus. De ce souvenir psychotique Brandon Cronenberg a réalisé une oeuvre dérangeante sur les dérives fanatiques de la célébrité, manière particulièrement ingénieuse de tuer un père adulé. Son jeu de massacre prend forme dans une mystérieuse clinique dont la spécialité est une prestation d’un nouveau genre : pour être toujours plus en osmose avec leurs stars préférées, les fans peuvent désormais se faire injecter leur microbes et contracter leurs maladies. Dans ce business juteux, Syd, un commercial de la clinique, a trouvé sa place entre la vente massive du dernier virus à la mode et le trafic parallèle qu’il a développé en subtilisant les précieuses bactéries à son employeur. Mais derrière le cynisme affiché, Syd cache sa propre faiblesse : la fascination qu’il éprouve pour Hannah Geist, une starlette dont il ne tarde pas à dérober la nouvelle maladie.

Par la crudité de son propos, Antiviral va en choquer plus d’un tant il pousse à l’extrême les déviances du spectateur. En faisant de la star un produit consommable au sens propre comme au figuré, Brandon Cronenberg renvoie le public à un culte de l’image toujours plus aliénant. Ici, le fan est un charognard décérébré, un toxicomane shooté à la célébrité de manière totalement irrationnelle. Pas sûr que tout le monde supporte les images (steaks de cellules, herpès en kit) qui accompagnent cette caricature mais elles illustrent à leur façon le vide de nos sociétés de consommation nourries par la culture du spectacle. Derrière le blanc immaculé des décors et le minimalisme de façade, il y a la fascination malsaine qu’a l’homme pour sa propre chair. Et le physique maladif de Syd (interprété par le fascinant Caleb Landry Jones) incarne parfaitement les contradictions d’un monde qui puise son perfectionnisme dans l’horreur. Bientôt, le sang envahira de son rouge éclatant la neutralité chromatique du film, révélant l’inhumanité dans tout sa splendeur. En s’éloignant du travail de son père, Brandon Cronenberg le convoque irrémédiablement. On se souvient du voyeurisme de Vidéodrome et des expériences scientifiques de Scanners, Chromosome 3 ou La mouche. Quant à l’impudence de Syd, elle n’est pas sans rappeler le golden boy que jouait Robert Pattinson dans Cosmopolis. D’ailleurs, Sarah Gadon, qui était déjà dans le film de David Cronenberg, apparaît chez Brandon telle une rémanence de l’oeuvre paternelle. Grâce à elle, le jeune cinéaste entretient à loisir un rapport d’attraction et de répulsion avec son public, faisant d’Antiviral un cauchemar sensuel et déroutant.

Titre : Antiviral/Réalisateur : Brandon Cronenberg/ Pays : Canada/ Durée : 1h53/ Distribué par UFO Distribution/Interdit aux moins de 12 ans/ Sortie le 13 Février 2013