ELEFANTE BLANCO, la descente aux enfers de Pablo Trapero

Elefante blanco

Depuis sept films, Pablo Trapero s’évertue à dépeindre la réaliste sociale argentine dans une soucieuse retranscription documentaire. Rien n’échappe à son oeil vif, ni la violence qui gangrène des institutions corrompues, ni la misère qu’elle engendre au quotidien. On lui doit notamment El bonaerense, une plongée stupéfiante dans la police des bas-fonds, ou Leonora, une chronique carcérale illuminée par Martina Gusman, actrice fétiche du cinéma de Trapero. Plus récemment, le cinéaste a signé le superbe Carancho, un drame social étourdissant porté encore une fois par Martina Gusman, mais également Ricardo Darin (Dans ses yeux). Avec Elefante Blanco, Pablo Trapero nous entraîne au cœur d’un bidonville de Buenos Aires. Il retrouve ses deux acteurs, ici dans les rôles de Julian, un prêtre épuisé par des années de lutte, et Luciana, une assistante sociale débonnaire. Bientôt, ils sont rejoints par Nicolas, un prêtre belge, ami de longue date de Julian, rescapé d’une expédition punitive en pleine jungle. Témoin dans ses missions des pires horreurs, Nicolas se jette à corps perdu dans le travail qu’on lui offre : sortir les jeunes de la drogue et des guerres de gang, désamorcer les conflits… Pablo Trapero est fidèle à sa vision réaliste du monde. La violence est autant présente dans les regards de ceux qui la subissent que ceux qui s’en emparent. Le cinéaste asphyxie ses personnages, resserre sur  eux un étau psychologique et les éloigne de leur propre raison. Les bons samaritains que sont Luciana, Julian et Nicolas n’ont pas les idées claires, tiraillés entre la volonté de bien faire et leurs désirs personnels. Trapero joue de tous les vices, soumettant ses héros aux tentations et aux châtiments bibliques. et pourtant, l’église est ici souvent en retrait, à l’image de ces prêtres dont le col n’est visible que de manière aléatoire. Une belle ruse de cinéaste pour signifier le doute… C’est la crise de vocation de Nicolas qui fait naviguer le film entre cauchemar urbain et rêverie amoureuse, entre une mise en scène maîtrisée et la spontanéité des images. En succombant à l’amour, le personnage suspend le temps et impose au spectateur une rupture vis-à-vis du réel. La prise de distance est troublante, inhabituelle chez un cinéaste qui a toujours privilégié l’immersion brutale. Par moment, le film semble insaisissable, survolant mille et un sujets sans vraiment s’y attarder. Comme si le cinéaste engagé était pris d’une soudaine lassitude… Surnom d’un hôpital inachevé au coeur du bidonville, cet éléphant blanc raconte par ses ruines un éprouvant chemin de croix et un idéalisme à l’agonie. 

Titre : Elefante Blanco/ Réalisateur : Pablo Trapero/ Pays :  Argentine/ Durée : 1h45/ Distribué par Ad Vitam/ Sortie le 20 Février 2013