MES SÉANCES DE LUTTE, grand film d’amour !

MES SEANCES DE LUTTE

On voit des films, un peu, beaucoup, trop… Souvent avec l’avidité stupide d’un consommateur compulsif. On croit avoir tout vu, on se dit blasé, invulnérable devant toute cette enfilade d’images qui se ressemblent et se répètent inlassablement. Et puis, on voit un film de Jacques Doillon. Avec lui, c’est toujours simple et compliqué, intime et impudique, heureux et douloureux, résolument contradictoire. Qu’il explore les douleurs de l’enfance (Un sac de billes, Ponette), les troubles de l’adolescence (La fille de 15 ans, Le petit criminel, Le jeune Werther) ou les égarements du sentiment amoureux (La pirate, Amoureuse), Jacques Doillon offre des émotions pures exacerbées par une mise à nu du cadre et un minimalisme formel. Avec Mes séances de lutte, il poursuit ce travail d’authenticité dans un jeu de l’amour passionnant et déroutant, un combat des corps cultivant le désir. Alors qu’elle vient d’enterrer son père, une femme (Sara Forestier) retrouve l’homme (James Thiérrée) avec lequel elle aurait dû avoir une histoire d’amour. A partir de ce rendez-vous manqué, les deux personnages s’engagent dans une parade amoureuse violente révélant les barrières qu’ils se sont eux-mêmes imposées. Ce sera d’abord son rapport au père qui empêchera la femme de s’adonner à cet amour. La lutte psychologique qu’elle mène contre sa sœur et son frère, pour quelques miettes d’héritage, va se matérialiser dans un combat physique coaché par celui qu’elle est destinée à aimer. Mais la famille n’est qu’un prétexte, un masque qui sert à l’un et à l’autre comme un bouclier sentimental. Pour désamorcer ce processus de fuite, les corps se confrontent dans une lutte émotionnelle qui ne pourra trouver sa finalité que dans l’abandon. En attendant, Jacques Doillon filme cette résistance à l’amour dans une chorégraphie délicate mais harassante. Elle, frêle et enthousiaste, bondit sur lui avec rage et détermination. Lui, massif et provocateur, esquive, bouscule et enlace celle qu’il voudrait tout simplement embrasser. Au début, ce couple mal assorti a du mal à faire rêver. Ce sont deux bêtes sauvages, vaguement sexualisées, pas vraiment sensuelles. Mais Jacques Doillon sait faire monter le désir dans ces lèvres qui s’évitent, ces mains qui se repoussent, ces mots qui font mal mais rapprochent de la vérité. Au fil des séances de lutte, le jeu de séduction s’opère subrepticement à l’écran et nous prend peu à peu dans ses filets. Le cinéaste retarde jusqu’au bout la jouissance de l’amour, menant à la baguette le spectateur pendu à ses fantasmes. Délestés de leurs fardeaux et de leurs inhibitions, elle et lui peuvent enfin s’unir dans une sauvagerie qui ne trouve sa place qu’en pleine nature. Et après ? Leurs corps devenus accros aux coups vont devoir se désintoxiquer de leur violence pour laisser surgir l’émotion la plus pure. Reste à nous guérir de cet amour total qui nous a submergés.

 

Titre : Mes séances de lutte/ Réalisateur : Jacques Doillon/ Pays : France/ Durée : 1h39/Interdit aux moins de 12 ans/Distribué par KMBO/ Sortie le 6 Novembre 2013

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