HOLLYWOOD au Théâtre de la Michodière (Paris)
Disons-le franchement : l’affiche est moche, rédhibitoire même. Et pourtant, c’est sans doute l’une des pièces les plus drôles du moment. Imaginez un peu : le mythique producteur hollywoodien David O. Selznick, le réalisateur Victor Fleming et le scénariste Ben Hecht en train de s’écharper sur la réécriture du script d’Autant en emporte le vent, enfermés dans un bureau pendant cinq jours, sans manger ni dormir. Ajoutez à cela l’ambiance typiquement française du théâtre de boulevard et vous voilà projetés dans un univers totalement délirant.
Nous sommes en 1939, dans les studios de MGM à Los Angeles. La première mouture du film, adapté du roman de Margaret Mitchell, ne convainc pas et le tournage a été suspendu. Pour remplacer le réalisateur George Cukor qui vient d’être écarté du projet, Selznick fait appel à Victor Fleming, un cinéaste qui a le vent en poupe grâce à quelques succès comme La Belle de Saïgon et L’Ile au trésor. Côté scénario, le producteur remplace Sidney Howard par Ben Hecht, une autre valeur sûre à qui l’on doit entre autres Les Nuits de Chicago, Scarface et Gunga Din. Seul problème, ce dernier n’a pas lu le livre…
Mise en scène par Daniel Colas, cette pièce de Ron Hutchinson brille autant par son grain de folie que par sa fausse légèreté. A travers trois personnages au caractère bien trempé et à l’égo démesuré, Hollywood porte un regard amusé sur la société du spectacle et démythifie le chef d’œuvre qu’elle est en train de créer. Quand ils ne débattent pas de la lecture raciale du roman, les trois hommes relèvent mièvreries et autres banalités de cette histoire d’amour sur fond de Guerre de Sécession. Si elle décortique avec finesse le processus de création, la pièce n’oublie jamais de poser un regard ironique sur la fabrication du produit cinématographique. Dans ce texte drôle et parfois cynique, la folie hollywoodienne surgit à travers les situations poussées à l’extrême du fait de l’enfermement. Le décor va d’ailleurs vite devenir la victime de ces cerveaux en ébullition. Le trio formé par Thierry Frémont, Emmanuel Patron et Pierre Cassignard (repris actuellement par Abbes Zahmani) est irrésistible, chacun dans sa partie offrant un show mémorable. Véritable hommage burlesque à l’industrie du cinéma, Hollywood est une pièce idéale pour passer une bonne soirée de détente.
HOLLYWOOD, mise en scène de Daniel Colas, au Théâtre de la Michodière jusqu’au 20 avril.