ESTO ES LO QUE HAY, CHRONIQUE D’UNE POÉSIE CUBAINE de Léa Rinaldi (2015) : l’art de la contestation

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Alors que Cuba vient de vivre un évènement majeur de son histoire – ces derniers mois ayant été marqués par un rapprochement diplomatique avec les Etats-Unis, l’ennemi de toujours – un documentaire restitue, à travers le parcours d’un groupe de rap contestataire, l’effervescence qui a agité l’île ces dernières années. Léa Rinaldi, qui avait consacré auparavant deux documentaires à Jim Jarmusch durant les tournages de The Limits of control et Only lovers left alive*, a suivi, de 2009 à 2015, la clique de Los Aldeanos, des poètes urbains qui font résonner leurs chants révolutionnaires dans les cœurs de la population cubaine. Témoignant de la pauvreté, de la violence et de l’absence de perspective des jeunes générations, les textes sans concessions d’Aldo et El B, les deux membres principaux du groupe, attisent régulièrement les foudres d’un régime castriste ne fonctionnant qu’à l’intimidation et à la censure. Mais qu’importe, la parole de Los Aldeanos sait se faire entendre au-delà de ses frontières, grâce à internet, bien sûr, mais surtout à des fans d’une fidélité à toute épreuve. Dès ses premiers pas, le documentaire est porté par cette énergie collective, une détermination tellement forte qu’elle semble pouvoir abattre des montagnes. Pourtant rien n’est simple pour les rappeurs de Los Aldeanos. Il y a cette mise à l’index culturelle qui empêche pendant longtemps le groupe de diffuser sa musique par des circuits traditionnels. Il y a aussi les visas refusés, les concerts annulés à la dernière minute et les coups d’une bassesse sans nom (comme ce moment terrible où Aldo, empêché par la police, ne rejoindra jamais le groupe portoricain Calle 13 qui l’avait invité sur scène). Mais ce qui pourrit la vie de Los Aldeanos, ce sont les ennemis de l’intérieur : ceux qui tentent de les enfermer dans une case d’artistes anticastristes, alors que les rappeurs veulent juste faire entendre la voix du peuple, et ceux qui, exilés à Miami, les voient en suppôts du pouvoir et leur réservent un accueil des plus hostiles. On suit avec passion et rage leurs mésaventures mais aussi leurs petits bonheurs : comme cet émouvant concert colombien devant une foule en liesse ou ces retrouvailles familiales à Miami. La caméra de Léa Rinaldi, d’une discrétion sans faille, sait nous les rendre intimes. La réalisatrice nous fait partager leurs doutes, leurs espoirs, mais surtout un amour des mots qui s’inscrit dans la droite lignée dans grands auteurs cubains. Plongeant au cœur de leur révolte, d’une époque à l’autre de manière presque aléatoire, Esto es lo que hay (voilà ce qu’il y a) annonce un changement inéluctable pour Cuba, une mutation qui, malgré la répression et la censure, aura lieu coûte que coûte. D’ailleurs, les autorités cubaines ont fini par s’y faire, lâchant miraculeusement du lest sur les autorisations de sorties du pays et permettant ainsi à Los Aldeanos de transmettre leur expérience d’écriture aux plus jeunes. Libre et inspiré, Esto es lo que hay est un film-passerelle qui s’évertue à maintenir un lien entre Cuba et le reste du monde.

*Behind Jim Jarmusch à découvrir en bonus du DVD The Limits of control et Travelling at night with Jim Jarmusch sur le DVD Only lovers left alive.

 

Titre : Esto es lo que hay, chronique d’une poésie cubaine/ Réalisatrice : Léa Rinaldi/ Pays : France/ Durée : 1h40/Distribué par JHR Films/ Sortie le 2 septembre 2015